« En tant que président, je suis admiratif des efforts des propriétaires pour répondre aux conditions. » Robert Tinlot ne cache pas sa satisfaction quant au nouveau classement des vins de Saint-Emilion. Il en est d’ailleurs l’un des acteurs. Le président de l’Académie Amorim est également le président de la Commission de Classement des Grands Crus Classés de Saint-Emilion. Il nous raconte ce qui l’a impressionné au cours des travaux de la Commission.
Qui composait la commission ?
Cette commission était formée de grands professionnels, mais tous extérieurs à la région bordelaise afin de prévenir tout conflit d’intérêt. En tout, 7 personnes issues de Provence, des Côtes du Rhône, de Bourgogne, Champagne, Val de Loire, et d’un sommelier élu meilleurs sommelier du monde il y a quelques années, tous anciens ou actuels membres de l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité)
Comment s’est établi le classement ?
A partir d’une note, obtenue pour moitié sur des dégustations et pour autre moitié sur un dossier détaillant la notoriété, la caractérisation et la conduite du vignoble. Pour être acceptée, une exploitation devait obtenir 14 de moyenne, 16 pour accéder au titre de premier cru classé.
Compte tenu de l’annulation du précédent classement par les juridictions administratives, nous avons pris d’infinies précautions pour éviter que ce scénario ne se répète. L’Inao a externalisé l’étude des dossiers : la société Qualisud s’est vue confier le soin d’organiser la dégustation et Veritas-certification a été chargée d’enquêter sur la 2e partie des dossiers constitués avec soin par les demandeurs. L’enquête de Veritas certification a conduit à poser des questions très précises aux intéressés. L’enquête se devait d’être très rigoureuse, avec un grand nombre de paramètres. Il s’agissait d’évaluer, entre autres, la notoriété (valorisation, mise en valeur du site, présence dans la presse, œnotourisme…), la caractérisation (assiette foncière, c’est-à-dire situation des vignes par rapport à l’exploitation, connaissance des sols, qualité de l’encépagement et densité de plantation) mais aussi la conduite de la vigne, l’engagement du vigneron dans la vinification et l’élevage. Notre commission a suivi de près toutes les opérations. Elle a contrôlé le sérieux de celles-ci.
Quant à la dégustation, elle couvrait les dix derniers millésimes de chaque propriété pour les grands crus classés et les 15 derniers millésimes pour les 1ers grands crus classés. Elle a été conduite de façon totalement anonyme par des professionnels, des dégustateurs compétents en saint-émilion qui ont été testés tout au long du processus, après sélection sur leurs compétences en analyses sensorielles. Nous avons également suivi les conditions de la dégustation : chaque échantillon a été prélevé, acheminé et entreposé dans des véhicules ou des pièces climatisées à température constante.
Que pouvez-vous nous dire sur les coulisses de la sélection ?
Quatre-vingt-seize dossiers ont été déposés. L’un a été éliminé immédiatement car il ne possédait pas les caractéristiques requises. Vous comprendrez que je ne peux pas vous révéler lequel. Ensuite, trente-six dossiers ont été remis en cause car ils ne remplissaient pas certaines conditions. Nous avons informé les demandeurs des faiblesses de leur dossier afin qu’il nous réponde par écrit et apportent, le cas échéant, d’autres éléments d’appréciation, puis nous les avons entendus. Certains ont immédiatement réagi en éliminant, par exemple, certaines parcelles mal placées. Sur les quatre-vingt-quinze présentés, douze ont finalement été refusés. Ce qui signifie que quatre-vingt-trois ont été classés. Et pas seulement des grandes propriétés mais aussi des petites. Ce nombre peut paraître élevé, il y aura des réactions mais le classement ne devrait pas être remis en cause : les membres de la commission ont appliqué les règles scrupuleusement et de façon impartiales.
Quelles conclusions tirez-vous de cette expérience ?
En tant que président, je suis admiratif des efforts des propriétaires pour répondre aux exigences du classement, mais aussi de la qualité du travail de secrétariat accompli par les services de l’INAO.
Pour moi, l’appellation saint-émilion est exemplaire, voire unique en France car ses acteurs ont le courage de remettre en cause, tous les dix ans, le classement établi. Le résultat est à mon sens très positif. Il met non seulement en valeur ce courage, mais aussi la rigueur des dossiers et de l’enquête, en un mot la fiabilité de l’appellation..
Quelle est selon vous la plus grosse surprise ?
Vous la connaitrez dans 2 jours, elle porte sur les Grands Crus classés A !